Ces derniers jours, les déclarations ouvrant la voie à un arrêt des hostilités se sont multipliées. Les Ukrainiens déclarant « Les Russes deviennent plus réalistes », pendant que l’autre camp indiquait entrevoir « une chance de solution ».
La Russie aurait réalisé qu’il lui fallait sortir de ce mauvais pas le plus vite possible tout en déclarant une belle victoire militaire qu’elle illustrerait par la déclaration de l’Ukraine de ne pas rejoindre l’OTAN et de se déclarer pays neutre. L’Ukraine ferait valoir la résistance héroïque à l’armée russe qui pensait prendre le contrôle du pays et de Kiev en quelques jours.
Je crois à cette issue rapide. Je la souhaite car elle seule peut stopper le drame humanitaire provoqué par la décision de V. Poutine d’envahir l’Ukraine.
Le dictateur russe a beaucoup perdu dans cette aventure. Son pays mettra des dizaines d’années à retrouver non seulement sa crédibilité internationale, mais aussi son niveau d’activité économique. Et donc le niveau de vie de sa population.
En quelques semaines, la réputation de l’armée russe a été battue en brèche par la résistance ukrainienne qui a mis en lumière l’inefficacité de cette armée, la faiblesse de son encadrement et le manque d’engagement de ses soldats. Le dirigeant russe ne lui a pas donné le temps de se préparer puisque la décision de l’invasion n’aurait été communiquée au commandement militaire que 24 heures avant. Pas étonnant que l’intendance n’ait pas suivi ! Mais ceci n’explique pas tout.
En vérité, l’armée russe pourrait finir par envahir totalement son voisin, mettre en place un régime fantoche à Kiev et organiser une grande parade militaire sur la place Maidan. Ça nous rappellerait que nous sommes revenus au temps de la guerre froide. Mais la Russie ne pourra jamais gagner cette guerre. Elle aura son lot de divisions, de résistants, de tireurs isolés pour la harceler, de désertion dans ses propres rangs, de coûts financiers et de morts. Sans parler des actions de résistance en Russie.
SI – et c’est un SI majuscule- des négociations suivent un cessez-le-feu rapide, il faudra des mois de négociation pour trouver un accord qui pourrait prévoir la neutralité du pays, sa non-adhésion à l’OTAN, un statut particulier pour le Donbass et pour la Crimée.
Ce scénario semble encore un rêve mais les deux camps pourraient y voir des avantages.
Même si cette issue, la plus « positive », voit le jour, le prix payé par les pays belligérants, Ukraine et Russie, mais aussi Biélorussie, sera très élevé avec son lot de deuils, de déracinements et de destructions des économies nationales.
La Russie perd sur toute la ligne.
Elle se réjouissait de voir les Américains s’éloigner de l’Europe, ils sont plus que jamais de retour. Elle jouait les pays européens les uns contre les autres, Ils comprennent tous la chance que représente l’Europe. L’Europe économique, l’Europe de la diplomatie, l’Europe de la défense. Bref, l’Europe de la liberté et de la démocratie. Ses voisins, qui ne voyaient pas toujours l’intérêt d’être membre de l’Union Européenne et de l’OTAN, ont tous changé d’avis, et leurs peuples aussi.
La Russie qui, à force de corruption et d’égoïsme de ses élites, n’a jamais réussi à bâtir une économie moins dépendante de ses exportations de matières premières, voit la manne gazière tarir plus tôt que prévu. Les décisions prises par nos pays pour accélérer la transition énergétique et trouver plus vite des alternatives au gaz russe ne seront pas remises en cause. C’est bon pour notre indépendance, c’est bon pour la planète !
Le peuple russe sentira chaque jour pendant des années le poids sur ses épaules des décisions de V. Poutine. Et ceci est de nature à accélérer l’émergence démocratique dans ce grand pays. Le dictateur n’est pas à la veille d’être remplacé, mais plus rien ne sera comme avant entre Poutine, ses oligarques et le peuple.
Poutine comptait sur le soutien de la Chine et de l’Inde, constituant ainsi un bloc autoritariste pour se prémunir ensemble des « dangers » de la démocratie. Et bien, non ! Ni l’un, ni l’autre n’est enclin à suivre et à répondre aux attentes russes.
La Russie a perdu en quelques semaines tout son poids diplomatique à l’échelle de la planète. Elle mettra des décennies à le retrouver. Qui pourra faire confiance à un pays qui viole aussi brutalement les traités internationaux ? Les sanctions mises en place par tous les grands pays ne disparaitront pas rapidement, ne serait-ce que parce que les négociations de paix dureront des mois.
Ce scénario de sortie de crise rapide n’arrêtera pas immédiatement ce cortège de misère pour des millions d’êtres humains jetés sur les routes de l’exode. C’est toutefois celui qu’il faut espérer. Il ne sera acquis que lorsque le dernier acte de guerre aura cessé sur le théâtre des opérations. La paix n’est pas encore là. Le dictateur-fou pourrait continuer à s’enferrer dans sa folie, à mobiliser toute son armée, à recruter des mercenaires syriens et tchétchènes, à détruire tous les villes ukrainiennes et Kiev en particulier. Les morts et les blessés se compteraient en centaines de milliers.
Je salue l’action diplomatique du Président Macron. Il est le seul dirigeant à l’échelle de la planète qui contribue aussi activement à maintenir un dialogue constant et direct avec V. Poutine. Il est certain que cette capacité à conserver une communication continue contribue à la prise de conscience par le dirigeant russe du fait qu’il a largement sous-estimé la résistance remarquable du peuple ukrainien et de ses dirigeants, mais aussi qu’il n’avait pas anticipé l’isolement diplomatique presque total de la Russie.
Le 21 février, je relatais, dans une tribune précédente, ce que me disait Sergueï : « Comment pourrions-nous tirer sur nos frères de sang ? La Russie est née à Kiev. » Cette phrase résonne en moi depuis l’invasion en Ukraine, comme ces photos d’enfants et d’adultes victimes d’une folie humaine qui continue à s’accroitre chaque jour. Souhaitons le cessez-le-feu.
Eric Faidy
21/03/2022
